En venant de Courtaoult, on pénètre dans la cité d'Ervy le Chatel en empruntant la rue Pierre Pithou. Les aubois, surtout les troyens connaissent bien ce patronyme; mais savons-nous que ce personnage est né à Ervy, dans un lieu proche de la rue qui porte son nom: la ferme des Noues'
Au travers de Pierre Pithou, père; c'est toute l'illustre famille Pithou qu'a choisi d'honorer la ville d'Ervy le Chatel. En effet, Pierre Pithou est le patriarche d'une famille de jurisconsultes et d'érudits, grands collectionneurs de livres rares, qui vécurent au XVIème siècle. La réputation de la famille s'est étendue sur toute la région, puis sur toute la France et même à l'étranger.
L'histoire de la famille Pithou est indissociable de son époque; c'est la raison pour laquelle cet article est complété par l'histoire de la Religion Réformée à Ervy, dans la région et dans toute la France. Dans cette deuxième partie, on peut suivre les péripéties des membres de la famille Pithou au long des huit guerres de Religion.
Pierre Pithou, le père, est né à Ervy en 1496, au lieu-dit: la ferme des Noues, qui se trouve un peu à l'écart de l'actuelle rue Pierre Pithou, à la sortie d'Ervy en direction de Courtaoult.
On peut penser que la ferme des Noues était une propriété familiale, car si à l'apogée de son âge, il était un notable troyen riche et considéré,
Il était aussi le seigneur de plusieurs terres en Pays d'Othe.
Avocat, il fut membre du barreau troyen et destina plusieurs de ses fils à la même carrière. Il fut aussi procureur et bailli de l'Evêché.
Humaniste, grand érudit, il possédait une très belle bibliothèque, composée surtout d'ouvrages de droit, de littérature et d'histoire, mais aussi de manuscrits anciens et de livres rares.
Il transmit cet amour des livres à sa nombreuse progéniture qui poursuivit son oeuvre de bibliophile.
Il veillera lui-même sur l'éducation de ses enfants et on relate que «le jeune Pierre Pithou (son 3ème fils) possède déjà les premiers éléments du latin, du grec et de l'hébreu, dans un âge ou les enfants ordinaires savent à peine lire».
Partisan secret de la Réforme, il éleva ses enfants dans les mêmes principes religieux. La doctrine avait commencé à se répandre à Troyes en 1539, par le biais d'un prêtre flamand nommé Stilcler (ou sticker). Pierre Pithou fut une de ses premières conquêtes; Nicolas Sticler fut d'ailleurs le précepteur de ses deux premiers fils, les jumeaux Jean et Nicolas. D'un premier mariage avec Marguerite Bazin naitront en 1524, des jumeaux: Jean et Nicolas.
Avec sa seconde épouse, Bonaventure de Chantaloe, il aura encore 6 enfants: Pierre, François, Antoine, Jeanne, Perrette et Ambroise. Il mourut, peut-être empoisonné, le 17 avril 1554, huit ans avant le massacre de Wassy qui préluda aux guerres de religion.
Malgré des convictions qu'il gardait secrètes par prudence, il fut enterré au couvent des cordeliers de Troyes, dans le choeur de la chapelle de la Passion, avec tous les honneurs et toutes les cérémonies de l'Église catholique, preuve de la considération dont il jouissait parmi ses concitoyens.
Jean Pithou (né à Troyes en 1524 et mort à Lausanne en 1602). Nicolas ou Nicole Pithou,seigneur de Champgobert (né à Troyes en 1524 mort à Troyes en 1598) Nicolas et jean sont nés du premier mariage de leur père. Nicolas était avocat comme son père et Jean était médecin.
Ils restèrent proches toute leur vie et ne se quittèrent jamais.
Les deux frères furent jusqu'à leur mort de fervents adeptes de la religion réformée. Leur père leur avait donné Nicolas Sticler pour précepteur, cependant, ils prétendirent avoir découvert la religion réformée dans un manuscrit chiffré, dérobé à leur maitre.
Jusqu'en 1560, ils vécurent leur foi de manière confidentielle refusant la rupture avec les voisins, amis, parents restés catholiques.
En 1560, à la suite d'une grave maladie, Nicolas décida de se retirer à Genève pour pouvoir vivre sa foi en conformité avec ses croyances.
Cette décision impliquait l'abandon des charges et responsabilités publiques et la rupture des liens sociaux. Il dut confier à des personnes de confiance la gestion de son patrimoine troyen.
A Genève, auprès de Calvin, mais aussi à Paris auprès de la cour, il devint le protecteur et le porte-parole de la communauté réformée de Troyes.
Le déclenchement de la guerre civile et religieuse le contraignit à un exil prolongé, entrecoupé de quelques séjours troyens.
Il gardera toujours «les yeux tournés vers la ville de Troyes et avait au nez le flair et l'odeur des andouilles de Troyes » (Lire les péripéties des frères pithou pendant la St Barthelemy dans l'article: la religion Réformée dans l'Aube et à Ervy).
Nicolas rédigea alors la « chronique»qui reste son ouvrage le plus important: « histoire séculière et ecclésiastique de la ville de Troyes»; dans laquelle, il expose les origines du calvinisme à Troyes. Quant à Jean, il publia un «traité de police et du gouvernement des républiques» et «institution du mariage chrétien»avec Nicolas.
En dépit de leurs moyens financiers limités, ils poursuivirent la politique d'achat de livres initiée par leur père afin de compléter la collection familiale.
Pierre Pithou (fils) est né à Troyes, le 1 er novembre 1539.Il est décédé le 1 er novembre 1596 à Bernières près de Nogent sur Seine. Il est l'ainé de la fratrie issue du deuxième mariage de Pierre Pithou (le père) avec Bonaventure de Chantaloe. Elevé par son père dans le goût de l'étude, il maitrisa très jeune le latin, le grec et l'hébreu. Il eut comme précepteur François Pillot. Comme ses frères et soeurs, il fut élevé dans les croyances calvinistes. Il fit ensuite ses études au collège de Troyes, avant de les compléter à Paris au collège de Boncourt.
IL se rendit ensuite à Bourges pour suivre un long apprentissage du Droit dispensé par le célèbre juriste Cujas. En 1560, il intégra le Barreau de Paris comme avocat, mais se consacra essentiellement à des consultations, qui lui valurent une grande renommée de jurisconsulte.
Quand éclata la deuxième guerre de religion en 1567, Pierre Pithou se retira à Troyes, mais fut radié du barreau de sa ville en raison de ses croyances. Commence alors une période d'exil ou il fut appelé pour six mois, par le duc de Bouillon pour rédiger les coutumes de Sedan. En 1568, il dut se réfugier à Bâle, d'où il publie « vie de l'empereur Barberousse». Peu après il accompagne le duc de Montmorency dans son ambassade en Angleterre et revint à Paris peu de temps avant le massacre de la Saint Barthelemy. Il échappa de peu au massacre.
Témoin de tant d'horreurs, il fit le choix d'abjurer sa foi protestante et d'accéder aux fonctions publiques. Pierre Pithou a épousé en 1579, Catherine de Palluau, fille de Jean de Palluau, secrétaire du roi et conseiller à l'hôtel de ville de Paris. Il a eu sept enfants quatre garçons et trois filles.
En 1580, il accepte une place de substitut qui lui est offerte par Jean de la Guesde, alors procureur général. Henri IV, peu de temps après être monté sur le trône, reconnut ses talents en lui confiant divers postes de confiance en tant que juriste. Sa réputation de jurisconsulte se répand dans les pays étrangers; on dit de lui que c'était « un sage arbitre». Il avait pour devise «obéis aux lois ».
Les souverains européens ont recours à ses lumières et à ses conseils, comme par exemple: Ferdinand, Grand-Duc de Toscane en 1587. Profondément humaniste, épris de paix et de justice, il fut un royaliste convaincu.
Lorsque la Ligue ultra catholique s'opposa au roi Henri III, puis à son successeur Henri IV, il multiplia les écrits en leurs faveurs.
En 1593, Il fut l'un des principaux collaborateurs de la « Sature Ménippée», libelle satirique qui connut un grand succès et contribua à discréditer la Ligue, ramenant les esprits à des sentiments plus raisonnables et royalistes. On dit à l'époque que Pierre Pithou « donnait aux pauvres tout l'argent qu'il recevait les jours de fêtes et les dimanches».Son oeuvre de juriste, d'historien, mais aussi de théologien, de canoniste, de philologue est une des plus importantes de son temps.
Même au milieu des troubles, il ne cessait de se consacrer à des recherches historiques etarchéologiques, écrivant des ouvrages savants, faisant imprimer des manuscrits oubliés, collectionnant des livres anciens.
A sa mort, sa précieuse bibliothèque fut transférée en partie, dans ce qui est aujourd'hui la Bibliothèque nationale.
François Pithou est né à Troyes en 1543 et décédé en 1621 à Troyes. Il est le second fils du deuxième mariage de Pierre Pithou(le père). Juriste de renom, lui aussi, il entretient des liens très étroits avec son frère Pierre, avec qui il collaboradans la rédaction d'ouvrages et dans l'enrichissement de la bibliothèque familiale.
Il est l'auteur de « glossarium ad-libros capitularium» en 1588 et «traité de l'excommunication et de l'interdit »en 1587. De son temps, Il fut aussi célèbre que son frère Pierre.
Après la mort de ses frères, il vécut dans la maison familiale jusqu'à sa mort. Cette maison se tenait à l'endroit où se dresse actuellement le marché couvert, à Troyes. Il la légua par testament, ainsi que de nombreux biens et une partie de sa fameuse bibliothèque, à la ville pour en faire le collège de Troyes, le «collegium pithoe-tricassinum ».
La maison Pithou à l'emplacement de l'actuel marché couvert de Troyes
Ce nouveau collège ouvrit en 1630. A la fin du XVIIème siècle, il dépassait les 400 élèves. Devenue extrêmement vétuste, la maison Pithou fut détruite en 1862 et le collège fut transféré dans des bâtiments neufs, correspondant à l'actuel Espace Argence.
"suite: Pithou et la religion reformée dans l' Aube"
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