La Religion Réformée dans l'Aube et à Ervy

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Au XVIème siècle, les idées de la Réforme s'implantent dans la région, renforcées par la proximité de Meaux, première église réformée érigée en France.

Déjà, en 1528, un certain Nicolas Boivin avait été exécuté à Troyes pour «contestation de la messe et de la dévotion à la Vierge et aux saints».

Depuis lors, plusieurs prédicateurs venus de Genève se mirent à diffuser clandestinement ces idées nouvelles.

A partir de 1539, elles firent de rapides progrès en Champagne, à Troyes, dans le Pays D'Othe et Bar sur Seine.

La Réforme se propagea à partir de la famille de Pierre Pithou (père), parents et alliés, parmi les notables de la contrée (ex : les échevins de Troyes), mais surtout parmi les acteurs principaux de la vie économique.

En effet, de nombreux marchands et artisans (menuisiers, orfèvres, ferronniers, libraires, tisserands, drapiers, potiers) ont adhéré à la nouvelle religion.

Les réformés troyens étaient si nombreux dans la rue Moyenne (actuelle rue Urbain IV) que celle-ci était dénommée « la petite Genève ».

En 1549 à Ervy, des jeunes gens se vouaient à la prédication, parmi lesquels, l'avocat Claude Girardin, fils du lieutenant du bailli d'Ervy.

La nomination d'un évêque catholique (de 1551 à 1562), Antoine Caraccioli, favorable aux idées de de la Réforme rassure un temps la communauté ; mais des vagues de persécutions successives, suivies de vagues d'immigration (en 1542, 1547, 1550, et 1559) empêchent la communauté de s'implanter durablement.


LES HUIT GUERRES DE RELIGION (1562-1598)

En 1559, l'Eglise calviniste est « dressée » à Troyes, donc reconnue par les autorités genevoises et le consistoire de Meaux.

Elle convertit en temple une grange de la corterie aux chevaux.

Les assemblées ont lieu quotidiennement et se tiennent de nuit, sauf le dimanche ou elles ont lieu en plein jour, une le matin une le soir.

Les démonstrations de la religion réformée semblent impies aux catholiques. Des incidents éclatent régulièrement.

Le climat d'insécurité était tel qu'en 1560, les frères Pithou: les jumeaux Jean et Nicolas décidèrent de se retirer temporairement à Genève pour pouvoir vivre leur foi en conformité avec leur croyance.

Quant à l'illustre Pierre Pithou (fils), il avait été appelé au barreau de Paris en 1560.

En novembre 1561, les autorités interdisent les prêches huguenots dans la grange de la corterie.


Première guerre de religion (1562-1563)

En vue de maintenir la paix religieuse en France, la reine mère Catherine de Médicis et son fils le roi Charles IX réunissent le Colloque de Poissy qui tente d'effectuer un rapprochement entre catholiques et protestants.

L'édit de pacification de Saint Germain de janvier 1562, par lequel le Roi autorise les protestants à se rassembler publiquement à l'extérieur des villes pour célébrer leur culte, est promulgué.

L'exercice du culte est interdit dans les villes closes, comme Troyes ou Ervy et dans les villes épiscopales: les enterrements des protestants ne sont plus possible dans la terre sacrée des cimetières et doivent se faire de nuit (à la pointe du jour ou au couchant).

Dès lors, les fidèles se réunissent dans les faubourgs, chez des particuliers, dans une grange en location, dans des cimetières; ces assemblées restent clandestines, surtout au début.

A Troyes, les assemblées réunissent de quatre à cinq cent auditeurs, puis huit à neuf mille en 1562, venus de partout. Dans la ville même, le nombre de réformés est estimé entre 2000 et 2250 personnes, soit à peu près 8% de la population de la ville. Pour tout le diocèse de Troyes, leur nombre est estimé à 10 000 pratiquants.

En campagne, on se rassemble à Berulle, à Saint Mards en Othe chez le seigneur local, à Villenauxe, etc.

L'exercice du culte à Isle Aumont, en 1572, chez la marquise de Clèves, entraine des échauffourées avec les catholiques, à Bréviandes lors des retours.


Massacre de Wassy (Haute-Marne)

La Champagne se trouve dans une zone carrefour entre Joinville, terre de la famille de Guise, chefs de la Ligue catholique et Tanlay, fief des Coligny.

Pendant les heures sombres des guerres de religion, Gaspard de Coligny avait choisi Tanlay pour réunir les chefs protestants ; parmi eux, Louis de Bourbon, Prince de Condé, dont le château de Noyers était voisin.

D'autres grandes familles : Les Dinteville, les Gyé-Rohan, les Clermont à Tonnerre étaient d'autres sympathisants

Six semaines après la signature de l'édit de janvier 1562, l'irréparable se produit à Vassy (Wassy) bourg de la principauté de Joinville dont le seigneur est le duc de Guise.

Le dimanche 1er mars, François de Lorraine, duc de Guise, chef charismatique des catholiques, se rendant avec sa famille à Paris, passe avec son escorte sur ses terres de Vassy.

Il apprend qu'une assemblée de protestants se tient dans une grange située à l'intérieur de la ville, ce qui est interdit.

Envoyés sur place, les émissaires du duc sont accueillis par des insultes de la part des protestants; bientôt, les pierres pleuvent sur les troupes de Guise.

Arrivé entretemps sur le lieu, le duc lui-même est touché.

L'assaut de la grange par ses troupes dégénère en massacre. Le bilan est lourd parmi les protestants : une cinquantaine de morts dont des femmes et des enfants, et environ 150 blessés.

La nouvelle du massacre, impliquant le chef du parti catholique, suscite une immense émotion entre autres dans la communauté troyenne dont celle de Vassy était une émanation.

le massacre de wassy

Le massacre de Vassy ouvre l'ère des guerres de Religion en France.

A l'appel du Prince de Condé, les protestants prennent les armes.

La guerre s'étend à tout le royaume.

Elle est marquée par des violences sauvages dans un camp comme dans l'autre.

Massacre de Bar sur Seine

En 1563, on apprend qu'à Sens, plus de 100 calvinistes ont été jetés dans l'Yonne par les catholiques.

Ulcérés, les réformés de Troyes s'emparent de la ville qu'ils refusent d'ouvrir.

La ville est finalement reprise par les catholiques ; consternés, les huguenots quittent Troyes avec femmes et enfants et une partie de leurs effets.

Ils s'installent à Bar sur seine « qu'ils prennent de force et qu'ils dévastent cruellement ».

La milice troyenne accourt et massacre ente 140 et 180 réformés de tous âges et de tous sexes.

Le militant calviniste Pierre Clément est ramené à Troyes.

Après avoir subi la question et refusé d'abjurer, il est pendu sur la place du marché au blé.

Le supplice ne s'arrête pas là ; des fanatiques coupent la corde, faisant tomber le corps sur le pavé, lui brulent la plante des pieds, lui coupent le nez, le sexe et les testicules et lui arrachent les deux yeux.

Il est ensuite trainé par la ville jusque devant sa maison, puis sa dépouille est présentée devant le domicile de plusieurs autres protestants et finalement, jetée dans l'eau rue Cordé. Le pire est à venir

Deuxième guerre (1567-1568)

Quand éclata la deuxième guerre de religion en 1567, Pierre Pithou se retira à Troyes mais fut radié du barreau de sa ville, en raison de ses croyances ; il entreprit dès lors de nombreux séjours à l'étranger (Suisse et Angleterre).

Durant les deuxième et troisième guerres de Religion, le conflit se généralise dans toute la France et gagne ensuite d'autres pays qui soutiennent les uns ou les autres ; pour les protestants l'Angleterre et les Pays-Bas et pour les catholiques, l'Espagne et la Toscane.

Troisième guerre (1568-1570)

L'édit signé à Saint Germain le 08 aout 1570 et qui a pour artisan le roi Charles IX marque un retour à la tolérance civile.

Il restitue la liberté de culte dans les lieux où il existait au premier aout 1570.

Les protestants obtiennent des « places de sureté » : la Rochelle, Cognac, La Charité sur Loire et Montauban.

  

l'Amiral gaspard de Coligny------la fresque du conseil huguenot au chateau de Tanlay

Quatrième guerre (1572-1573)

Massacre de la Saint Barthelemy 1572

Pour concrétiser la paix entre les deux partis, Catherine de Médicis projette de marier sa fille Marguerite de Valois avec le prince protestant Henri de Navarre, futur Henri IV ; ce mariage n'est accepté ni par les catholiques, ni par le pape.

Le mariage est célébré à Paris le 18 aout 1572 dans un climat de tension extrême.

Des festivités grandioses sont organisées, auxquelles sont conviés tous les grands du royaume, y compris les protestants, dans un esprit de réconciliation.

Le 22 aout 1572, une tentative d'assassinat à l'arquebuse est perpétré contre Gaspard de Coligny, chef le plus respecté des protestants  qui bientôt, réclament vengeance.

La capitale est au bord de la guerre civile.

Le 23 aout, le roi et la reine-mère, entourés du « conseil étroit » décident d'éliminer les principaux chefs protestants.

Coligny et de nombreux gentilshommes protestants sont assassinés tant au Louvre qu'en ville.

Dès lors, Le massacre général peut commencer,  sans considération d'âge, de sexe et de rang social.

La tuerie dure plusieurs jours ; les maisons des huguenots sont pillées et leurs cadavres dénudés jetés dans la Seine.

Certains parviennent à se réfugier chez des proches, mais les maisons des catholiques tenus en suspicion sont également fouillées.

Ceux qui s'opposent au massacre prennent le risque de se faire assassiner.

Dès le matin du 24 aout, le roi a ordonné l'arrêt du massacre et pris des mesures pour protéger la vie des gens menacés, sans beaucoup de succès.

Dans Paris même, le nombre de morts est estimé à 3000.

Pierre Pithou se trouvait à Paris ce jour-là et échappa au massacre en se sauvant en chemise par une lucarne et en gagnant par les toits la maison d'un ami.

Pendant toute une année, il fut obligé de se cacher.

Quant à ses frères, les jumeaux Nicolas et Jean et un autre de leurs frères, ils se trouvaient à Tonnerre quand ils furent informés du massacre de Paris.

Nicolas Pithou s'y trouvait pour prendre possession de sa charge de bailli et gouverneur de la ville de Tonnerre.

Alors qu'il avait pris la route avec ses frères, en direction de sa maison de Brienne, où se trouvait son épouse, Nicolas fut averti que des ennemis les attendaient à Brienne.

Après quelques heures de repos, tant pour les hommes que pour les chevaux, ils partirent vers minuit en direction de Montier en der, se réfugier chez un beau-frère.

De là, ils prirent la direction de Bar le duc.

Après avoir évité plusieurs bandes de fanatiques catholiques et après bien des péripéties, ils réussirent à gagner l'Allemagne, abandonnant leurs charges et leurs biens pour sauver leurs vies.

La St Barthelemy à Paris


Massacre de Troyes

Quand la nouvelle de la Saint Barthelemy fut connue, plusieurs villes de province déclenchèrent leurs propres massacres ; à Troyes, la nouvelle arrive le 26 août; les portes de la ville sont immédiatement fermées.

L'édit de Charles IX qui « fait défense de plus massacrer» arrive le 28 août.

Le bailli de la cité, Artus de Vaudrey Seigneur de Saint Phal, le tient secret et donne l'ordre, le 30 août, d'arrêter tous les protestants.

Sollicité, le bourreau de la ville refuse son concours; le bailli réunit alors des fanatiques et des droits communs pour se débarrasser des protestants.

Le 4 septembre 1572, au petit matin, après avoir servi une collation aux prisonniers à qui on a dit qu'ils allaient être jugés, ils sont appelés l'un après l'autre et massacrés.

Le récit, dans ses moindres détails, fait par Nicolas Pithou est glaçant.

On dénombre 43 victimes : un procureur, des marchands, un orfèvre, des drapiers, des menuisiers, des serruriers, des fabricants de chandelles, etc.

Le nombre de morts dans toute la France, à l'occasion de la Saint Barthelemy est estimé entre 20 000 et 30 000 victimes.

La violence qui s'est déchainée contre eux poussent de nombreux réformés à abjurer ou à s'enfuir dans les pays du «Refuge»: les Pays-Bas, l'Angleterre, la Suisse dont Genève qui accueillit dix à vingt mille réfugiés par jour.

Les ultras catholiques du clan des Guise ont la main mise sur la Champagne et provoquent l'exode de nombreux marchands et artisans, portant un coup fatal à la richesse de Troyes.

Pierre Pithou décida de réintégrer le giron de l'Eglise catholique l'année suivante, préférant par la suite lutter et discréditer la Sainte Ligue par ses écrits.

Cette abjuration lui redonna accès aux fonctions publiques.

Sous la pression des catholiques intransigeants et pour ramener un semblant de paix, Charles IX et Catherine de Médicis annulent l'édit de Saint Germain: Si les protestants gardent la liberté de conscience, l'exercice de leur culte est interdit.

On encourage vivement les conversions.


S'ensuivront encore quatre guerres: 5ème guerre (1574-1576), 6ème guerre (1576-1577), 7ème guerre (1579-1580)


8ème guerre (1585-1598)

Henri de Navarre devient Henri IV

Le roi Henri III est assassiné le 01 août 1589 par le moine ligueur Jacques Clément ; la couronne de France revient à son cousin Henri de Navarre ; ce dernier est protestant et la majorité catholique du Royaume n'admet pas qu'il puisse monter sur le trône dans ces conditions.

Durant cette période, le conflit entre partisans d'Henri de Navarre et catholiques, refusant de servir un roi protestant, tournait une nouvelle fois à la guerre.

Pendant l'année 1589, des troupes armées, tantôt protestantes, tantôt catholiques sillonnent les campagnes, s'emparent des villages, détruisent les récoltes et rançonnent les habitants.

Du cote protestant et royaliste, François des Essarts, Baron de Saultour et le Comte de Clermont, Seigneur de Tonnerre; du cote catholique, les ligueurs: le Baron Du Carret, Seigneur de Saint Florentin, puis François de Beaujeu, Seigneur de Jaulges et Villiers-Vineux.

Le 21 mai 1589, un combat eut lieu entre Montigny et la Coudre près de Chamoy, entre Olivier de Roere, seigneur de Chamoy et François des Essarts, Baron de Saultour, fidèle de Henri de Navarre.

La ligue catholique

Siège d'Ervy en 1591.

Malgré la présence d'une communauté protestante, la place forte d'Ervy avait pris parti pour la Ligue catholique; sur ordre d'Henri de Navarre, futur Henri IV, le maréchal d'Aumont qui commandait le corps d'armée en Champagne, vint entreprendre le siège du château-fort en août 1591.

A son arrivée, les assiégés avaient réussi une belle sortie et tué plus de 30 assaillants.

Mais le canon eut raison de leur résistance et la population se résolut à négocier et à verser une rançon de 7000 écus.

En dehors des murs, tout le quartier de l'Armance fut entièrement brulé «avec une grande perte de grains», sans que l'on sache qui avait mis le feu.

En représailles, les ligueurs reprirent Saint Florentin.

En 1593, Henri IV déclare son intention d'abjurer et de recevoir une instruction catholique.

Mais, Paris est aux mains des ligueurs et le nouveau roi doit véritablement conquérir son royaume.

Après le sacre royal à Chartres le 27 févier 1594, Paris lui ouvrira ses portes.

Pendant sa reconquête du pays, Henri IV fait son entrée solennelle à Troyes le 30 mai 1595.

Linard Gonthier retracera cet épisode sur 4 vitraux célèbres.

  

Vitrail: Entreé d'Henri IV dans Troyes.--------------------Carton d'un des vitraux de Linard Gonthier.

L'EDIT DE NANTES (30 avril 1598)

C'est à Nantes, en avril 1598, qu'Henri IV signe le fameux édit qui met un terme aux guerres de religion qui ont ravagé la France.

Cet édit instaure la coexistence religieuse entre catholiques et protestants.

Le culte réformé est autorisé dans tous les lieux où il existait en 1597 et l'accès à toutes les charges est garanti aux réformés.

On accorde officiellement aux protestants des lieux pour installer des cimetières dans lesquels ils ont le droit d'enterrer leurs morts, de jour.

A la révocation de l'édit de Nantes par Louis XIV, le 18 octobre 1685, s'ensuivit un siècle de persécutions contre les protestants.

C'est la période du «  Désert ».

On peut constater, grâce au travail de l'association de généalogie protestante à qui l'on doit ce registre des mariages protestants de 1739 à 1783, que la communauté protestante d'Ervy perdura en secret.

En étudiant les dates, on voit que les mariages sont célébrés collectivement, vraisemblablement lorsqu'on peut faire déplacer un pasteur.

Il fallut attendre la Révolution qui promulgua la Déclaration des droits de l'Homme et la liberté de culte pour que les protestants puissent pratiquer leur religion en toute légalité.

Quand la Révolution éclata, le protestantisme était en pleine renaissance en France.

voir le registre des mariages prorestants.

Sources: www.museeprotestant.org www.eglise-protestante-unie.fr www.huguenots-France.org: association de généalogie protestante-région Champagne Exposition au temple de Troyes: « Luther ouvre les portes à la modernité » Nicolas Pithou: « la chronique de Troyes » Pierre Pithou: « la satire Ménippée » Dossiers sur la famille Pithou : Médiathèque du grand Troyes
                                                                

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